Quand les gens pensent à l’agriculture, ils imaginent souvent des plaines ondoyantes, de l’air frais et une vie plus simple. Mais à vrai dire, l’agriculture peut être tout sauf simple.
En tant que thérapeute en santé mentale dans une région rurale de l’Ontario et responsable du soutien psychologique au Centre canadien pour le bien-être en agriculture (CCAW), mais aussi avec mes connaissances de première main de la vie à la ferme, j’ai constaté à quel point l’isolement, le stress chronique et la pression constante affectent les agriculteurs de tout le Canada.
Plus qu’un travail
L’agriculture est plus qu’un travail. C’est un mode de vie, un patrimoine et une identité profondément enracinée. Les journées commencent habituellement aux alentours de 4 h 30 et peuvent souvent se terminer après 20 h, 7 jours par semaine. Sur une ferme, une journée de 12 heures est considérée comme étant courte. La frontière entre vie et travail est inexistante, et le travail ne s’arrête jamais.
Les agriculteurs n’ont pas la possibilité de décrocher. Même dans leurs temps libres, ils sont occupés à planifier la prochaine plantation et à s’inquiéter pour l’équipement, les conditions du marché et la météo. La charge mentale constante peut être épuisante.
L’agriculture devrait compter pour tous les Canadiens
L’agriculture n’est pas importante que pour les agriculteurs. Elle est vitale pour tous les Canadiens. La sécurité alimentaire et la durabilité de nos communautés dépendent du bien-être et de la résilience de ceux qui cultivent et produisent notre nourriture. Les agriculteurs occupent aussi un rôle vital dans le commerce international et l’économie du Canada.
Les difficultés vécues par les agriculteurs ont un impact direct sur la production, les prix et la disponibilité des aliments. Soutenir la santé mentale des agriculteurs n’est pas qu’une simple question rurale; c’est une priorité nationale. Il est dans l’intérêt de tous les Canadiens de veiller à ce que les communautés agricoles soient saines, durables et prospères.
L’agriculture et la solitude
L’agriculture peut être un mode de vie entraînant un très grand isolement, et pas seulement parce que les voisins les plus proches se trouvent à des kilomètres. Avec la taille croissante des exploitations agricoles et la complexification de leurs opérations, les agriculteurs travaillent souvent seuls, gérant non seulement la charge de travail, mais aussi les finances, l’équipement et le personnel.
Les longues heures de travail et les responsabilités incessantes relèguent souvent la vie sociale au second plan, particulièrement durant la saison des plantations ou du vêlage.
Le fait d’être incompris est un autre facteur pouvant mener au stress et à l’isolement. Beaucoup d’agriculteurs se sentent mal compris par la population ou ignorés par les décideurs qui ne saisissent pas tout ce qu’exige le maintien d’une exploitation agricole en activité. Ce fossé peut causer autant de solitude qu’un champ isolé.
Des facteurs de stress comme la planification de la relève, les inquiétudes liées à l’effet des tarifs douaniers sur le coût de l’équipement ou le regret d’avoir manqué des moments importants en famille comme des anniversaires peuvent s’ajouter à cela. Si le son du gravier sur le convoyeur vous annonce que la réserve d’ensilage est épuisée, y remédier devient la priorité immédiate, même si vous devez manquer un anniversaire important. Ce n’est pas un manque d’intérêt, mais une question de survie.
Et si vous êtes toujours la personne sur qui les autres peuvent compter et qui peut tout réparer, il peut être difficile d’avouer que vous avez besoin d’aide.
Pourquoi est-il difficile de demander de l’aide
Les agriculteurs sont les premiers à offrir leur aide lorsque les autres en ont besoin, par exemple en s’occupant des tâches d’un voisin sans même poser de questions. Mais l’orgueil et la honte les empêchent souvent d’admettre qu’ils éprouvent peut-être eux-mêmes de la difficulté.
La plupart des agriculteurs ont été élevés à réparer les choses eux-mêmes. Cette mentalité est bien enracinée. Ils peuvent réparer une clôture et une moissonneuse-batteuse ou aider une vache à vêler en pleine nuit. Mais quand il est question de leur propre bien-être, beaucoup d’hommes sont perdus. Admettre que nous sommes dépassés peut nous donner l’impression de laisser tomber les gens qui comptent sur nous.
Et en vérité, nous n’avons pas toujours quelqu’un « au-dessus » de nous sur qui compter. Vous vous occupez de la ferme, du personnel, de la comptabilité. Vous êtes au sommet de l’échelle. Vers qui pouvez-vous vous tourner lorsque vous êtes censé avoir toutes les réponses?
Il y a aussi une crainte d’être jugé, que ce soit par notre propre communauté ou par des gens hors de notre secteur qui ne comprennent pas la pression que nous vivons. Il est plus facile de tout garder en dedans et de dire « tout va bien ». Mais ce silence peut se transformer en quelque chose de plus lourd avec le temps.
Des signes de difficulté chez vous ou un agriculteur que vous connaissez
Il existe des signes subtils, mais révélateurs, que les agriculteurs ignorent souvent :
- Être incapable de se défaire de la fatigue, peu importe la quantité de sommeil, rendant même les petites tâches insurmontables. Sauter des tâches quotidiennes par manque d’énergie.
- Se perdre dans ses pensées dans l’étable ou au champ.
- Être plus irritable et moins patient.
- Avoir de la difficulté à prendre des décisions, être perplexe au moment de faire des choix.
Les agriculteurs sont des spécialistes de la résolution de problèmes, sauf quand ces problèmes les concernent.
Des étapes réalistes pour vaincre l’isolement
Dire aux agriculteurs de « prendre des vacances » est irréaliste et manque complètement de discernement. Voici plutôt à quoi ressemblent des solutions pratiques :
- De brèves conversations par textos ou téléphone avec d’autres agriculteurs peuvent être une bouée de sauvetage, même s’il ne s’agit que de courts échanges sur la saison de plantation ou l’équipement.
- Lorsque possible, trouver du temps en dehors de la ferme pour passer un moment avec des amis, en famille et dans la communauté.
- Du soutien virtuel comme la Ligne d’écoute nationale pour les agriculteurs du CCAW est accessible même du siège d’un tracteur.
Chaque petit lien compte. Une simple conversation sur le déroulement de la saison de plantation peut contribuer à alléger la charge mentale.
L’aide offerte par le CCAW
Le Centre canadien pour le bien-être agricole (CCAW) se consacre à soutenir la santé mentale des agriculteurs de tout le Canada. Nous offrons une ligne d’écoute nationale, 24 h/24, 7 j/7, conçue précisément pour les agriculteurs fournissant un soutien immédiat et confidentiel quand vous en avez le plus besoin.
Nous offrons également des programmes éducatifs comme « In the Know », qui fournissent aux agriculteurs et à leurs communautés des ressources et des stratégies pratiques en santé mentale. Nous comprenons de première main la vie sur une ferme et nous nous engageons à fournir du soutien accessible et culturellement pertinent afin de renforcer la résilience au sein de nos communautés agricoles.
Vous n’êtes pas seul
Si vous avez l’impression que quelque chose cloche, faites confiance à votre instinct. Demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse, mais une façon de vous occuper de vos affaires. La santé mentale compte autant que tout autre aspect de vos activités. Et comme vous appelleriez un mécanicien ou un agronome si quelque chose ne fonctionnait pas, vous devriez faire la même chose quand vous avez besoin de soutien.
L’agriculture demande de la résilience, mais cela ne veut pas dire que vous devez tout affronter seul. Admettre que vous éprouvez de la difficulté peut être une étape difficile, mais aussi puissante.
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Appelez au 1 866 327-6701 à tout moment, 24 h/24, 7 j/7, 365 j/a.
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