Jody Vance nous raconte l’histoire de son père et nous explique comment il a appris qu’il fallait de la force pour demander de l’aide

Quand Jody Vance est entrée dans l’histoire en devenant la première femme à présenter sa propre émission de sport à la télévision canadienne aux heures de grande écoute, son père, Bill, n’aurait pu être plus fier.

« La fierté était une émotion chère à mon père », raconte Jody, qui est récemment devenue championne nationale de la Fondation pour la santé des hommes au Canada (FSHC). « Comme tant d’autres pères, le mien était très stoïque, fort et provocateur. C’était un homme qui faisait tout ce qu’il pouvait pour prendre soin des autres et leur venir en aide. Mais quand c’était lui qui avait besoin d’aide, c’était une tout autre histoire. »

Enseignant de carrière en Colombie-Britannique, Bill Vance partageait quelque chose d’autre avec des millions d’autres pères : il avait reçu un diagnostic de cancer de la prostate. Cette maladie qui touche une glande de la taille d’une noix située en profondeur dans le bassin des hommes est la forme de cancer la plus courante chez les hommes canadiens. En effet, un homme sur neuf en est atteint au cours de sa vie, et plus de 4 600 y succombent chaque année.

« À l’époque où mon père avait reçu son premier diagnostic, les symptômes et les examens rectaux nécessaires au dépistage faisaient l’objet d’une véritable stigmatisation, explique Jody. Maintenant, il s’agit d’une analyse de sang, ce qui est bien plus facile. »

En tant que porte-parole de l’organisme Prostate Cancer Foundation BC, et maintenant de la FSHC, l’organisation derrière la campagne « Change Pas Trop », Jody s’est efforcée de diffuser ce message autant que possible. Après tout, lorsque la maladie est dépistée tôt, le taux de survie au cancer de la prostate est de près de 91 %.

« La force et le courage » nécessaires pour demander de l’aide

Pourquoi une femme se démène-t-elle autant pour prévenir une maladie que seuls les hommes peuvent attraper? « Parce que j’aime les hommes! s’exclame Jody en riant. J’aime mon frère. J’aime mon père. J’aime mon beau-père. J’aime mes oncles. J’aime mes amis et mes collègues masculins. La maladie ou le décès prématuré d’un homme affecte toutes les personnes auxquelles il tient. Parfois, pour un homme, le meilleur moyen de soutenir les gens qu’il aime est de demander de l’aide lorsqu’il en a besoin. Il faut beaucoup de force et de courage pour accepter que d’autres personnes nous viennent en aide. »

Selon la Société canadienne du cancer, les hommes âgés de 45 ans et plus devraient discuter du dépistage du cancer de la prostate avec leur médecin, même s’ils ne présentent pas de signes ou de symptômes. Les signes du cancer de la prostate comprennent ceux-ci :

  • difficulté à uriner;
  • besoin urgent d’uriner;
  • besoin fréquent d’uriner, en particulier la nuit;
  • brûlure ou douleur au moment d’uriner;
  • incapacité d’uriner ou difficulté à commencer à uriner ou à interrompre le flux urinaire;
  • présence de sang dans l’urine ou dans le sperme.

« Il est aussi très important d’insister sur le fait que les hommes doivent en parler dès qu’ils remarquent ces symptômes », affirme Jody en ajoutant que le cancer de son père avait eu le temps d’atteindre le stade 3 au moment où il avait été dépisté, ce qui veut dire que la tumeur avait commencé à grossir et à se propager au-delà de sa prostate. 

Les hommes ont tendance à éviter de parler de leurs faiblesses, explique Jody. Mon père a ignoré les signes trop longtemps. Pourtant, je voyais bien que quelque chose le préoccupait. Ce n’est que lorsqu’il a commencé à ressentir des douleurs physiques chaque jour qu’il s’est décidé à en parler. Nous avons fait en sorte qu’il reçoive son diagnostic au plus vite, mais l’oncologue nous a expliqué que la situation n’aurait pas été aussi grave s’il nous avait fait part de ses symptômes dès leur apparition. Cette nouvelle a été difficile à entendre pour chacun de nous, mais le coup a été particulièrement dur pour mon père. En tant qu’enseignant, il encourageait toujours ses étudiants à défendre leurs intérêts, mais cette fois, il n’a pas su appliquer ces principes à lui-même. »

Prendre la parole pour sauver des vies

Après une intervention chirurgicale qui lui a sauvé la vie, Bill s’est joint à sa fille pour promouvoir la prévention du cancer de la prostate. « Toujours avide de partager son savoir, il a dit qu’il était de notre devoir d’en parler à qui voulait bien l’entendre. Je lui ai donc proposé de participer en tant qu’invité à Breakfast Television, l’émission que j’animais, et il a saisi l’occasion pour parler très ouvertement de ce qui pouvait arriver lorsqu’on ignore le problème. Son opération, par exemple, a affecté sa capacité à fonctionner sexuellement, ce qui est une raison suffisante pour convaincre bon nombre d’hommes de se faire dépister. »

En plus de sauver la vie de Bill, tout le processus visant à dépister son cancer et à en ralentir l’évolution lui a permis de se rapprocher de sa fille. « Il m’a dévoilé ses peurs, explique Jody. Il m’a dévoilé sa vulnérabilité, et il me l’a confiée. Après tout ce temps qu’il avait passé à lutter en silence, on aurait dit qu’un mur venait de s’écrouler. Il n’avait plus rien à cacher, ce qui lui a permis de nous aimer encore plus profondément. »

Bill Vance est décédé en juin 2021, après que son cancer de la prostate a commencé à atteindre ses poumons. Lors d’un des derniers instants que Jody a partagés avec son père, ils regardaient tous les deux un tournoi de golf à la télévision. « Phil Mickelson a fait un coup roulé, et sa balle a tourné autour du trou sans tomber dedans. On s’est écriés “Waouh” en même temps, se remémore Jody. Il m’a regardée, et j’ai remarqué qu’un petit quelque chose était collé sur sa lèvre supérieure. En l’essuyant, je lui ai dit : « Ne t’inquiète pas, papa. Je vais prendre soin de toi. »

Sa réponse fut la dernière chose qu’il ait jamais dite à Jody : « Comme toujours. »