Kelly Hrudey, gardien de but de la LNH et commentateur de Hockey Night in Canada, partage son parcours en santé mentale
Comme tout gardien de but de la LNH, j’ai connu de bons et de mauvais matchs. Et comme n’importe qui faisant son travail ou vaquant à ses occupations, il arrive que ces « mauvais matchs » ou ces mauvaises journées se transforment en pensées négatives qui ne veulent pas se taire. Si ce genre de pensées commence à prendre le contrôle de votre vie, comme ce fut le cas pour moi, je sais ce que vous avez traversé et j’ai quelques conseils qui ont fonctionné pour moi.
Je venais de connaître une année de carrière; cependant, mon esprit ne se concentrait que sur le « mauvais » avant la saison 1992-1993 de la LNH. C’était ma dixième année dans la ligue, et les carrières dans la LNH durent en moyenne trois ans. Je ne cessais donc de me demander : « Combien de temps encore suis-je capable de jouer à ce niveau? Combien de temps encore ma carrière va-t-elle durer? »
Nous avions deux enfants à l’époque, et ma femme, Donna, était enceinte de notre troisième. Cela a donc ajouté beaucoup de pression. Puis la saison a commencé et ces questions dans ma tête ont pris de plus en plus de place. Les pensées sont passées du rationnel à l’irrationnel : « Tu ne peux plus faire ça. Tu n’es pas assez bon pour rester à ce niveau plus longtemps. Il y a de bien meilleurs gardiens que toi. Quelqu’un va prendre ta place. » Mes pensées s’étaient accumulées dans ma tête.
Fin novembre, j’avais atteint un point de rupture. Le 1er décembre, nous avions un match sur terrain neutre à Milwaukee, et même si je ne me sentais pas bien, j’ai réussi à me ressaisir, à faire un bon match et à être nommé première étoile.
Cela m’a donné un peu d’espoir, mais il n’a fallu que quelques jours pour passer de bon gardien à l’un des pires de la ligue. Mon état d’esprit a affecté mon jeu et je suis entré dans une période creuse qui a duré presque deux mois.
Coup de main
Notre entraîneur principal à l’époque était un type du nom de Barry Melrose. Il a reconnu que je luttais – pas physiquement, mais mentalement – et a constaté que j’avais besoin de parler à quelqu’un.
En janvier, l’entraîneur Melrose est entré dans le vestiaire, suivi par (le célèbre coach de vie) Tony Robbins. Il n’était pas si inhabituel d’avoir des célébrités dans le vestiaire après les matchs – c’était Los Angeles, après tout – mais cela n’arrivait pas souvent avant.
Ils sont allés dans le bureau de Barry une minute, puis ils m’ont fait entrer. Mes pensées étaient devenues si négatives que je me suis dit : « Pourquoi Tony Robbins voudrait-il rencontrer le gardien de but le plus nul de la ligue? »
Barry m’a dit : « Serais-tu prêt à travailler avec Tony pour que nous puissions t’aider à sortir de ce marasme? J’ai accepté. Puis il a demandé, « Est-ce que je peux assister à la séance? Je veux en apprendre plus sur toi. »
Et j’ai pensé : « C’est vraiment cool qu’un homme, mon coach principal, veuille me comprendre pour m’aider à sortir de ce marasme. »
Ce que j’ai aimé chez Tony, c’est qu’il parlait comme un athlète. Nous disions des jurons et avions une conversation authentique. Ce n’était pas juste un truc clinique où je lui disais ce que je vivais. « Quand vous vous sentez vraiment mal dans votre peau, à qui ressemblez-vous? », m’a-t-il demandé. « Ça peut être une personne réelle, un personnage de film, un personnage de dessin animé. » Et j’ai dit : « En fait, si vous voulez vraiment connaître la vérité, je me sens comme Fred Caillou dans le bureau de M. Ardoise. »
Quand j’étais petit, j’adorais regarder Les Pierrafeu. Quand Fred entrait dans le bureau de M. Ardoise, son patron le critiquait et Fred se faisait de plus en plus petit sur sa chaise. J’ai dit à Tony et Barry que lorsque je suis dans le filet, que je laisse passer un but, puis un autre et encore un autre, j’ai l’impression de rapetisser sur la glace.
Tony m’a demandé : « Quand vous êtes vraiment bien dans votre peau, à qui ressemblez-vous? » Et j’ai répondu : « Le général Norman Schwartzkopf », le type qui a dirigé les États-Unis pendant la guerre du Golfe. Avec ses épaules en arrière et son menton en avant, il avait toujours l’air d’être en charge de tout. Je me sentais comme ça quand je jouais vraiment bien. Je pouvais contrôler un match à moi tout seul, et c’est une sensation plutôt cool.
Nous avons réfléchi à la manière dont je pourrais retrouver ce contrôle, et nous avons fini par décider que j’aurais une fiche laminée avec des notes dessus. La première note était au sujet du général Norman Schwartzkopf, et je regardais cette fiche avant chaque période que je jouais.
J’ai fini par jouer cinq ans de plus grâce à cette transformation avec l’aide de Tony. Je suis à jamais redevable à Barry d’avoir pris la décision d’agir pour m’aider.
Liens familiaux
Ma fille, Kaitlin, souffrait de problèmes de santé mentale, et avant son diagnostic d’anxiété et de trouble obsessionnel-compulsif (TOC) en 2005, sa vie était devenue complètement ingérable. Nous l’avons emmenée consulter un psychologue pour enfants à Calgary et, selon son état, elle voyait le médecin une ou deux fois par semaine.
Après quatre ans de thérapie, Kaitlin est venue vers nous à l’improviste et a dit : « Maman, papa, je commence à avoir plus de bonnes journées que de mauvaises. » Beaucoup de gens peuvent s’identifier à ça, parce que c’est ce que nous essayons de faire. Nous essayons d’avoir plus de bonnes journées que de mauvaises.
Je fais toujours le lien avec une conversation que j’ai eue avec Ron McLean sur les personnes qui, dans le monde entier, contribuent à créer un changement positif auprès des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale. Ron et moi échangions des textos, puis Ron, comme il le fait toujours, m’a dit quelque chose de brillant qui m’a marqué : « La paix intérieure, quelle quête. »
Nous sommes tous à la recherche de la paix intérieure et d’un plus grand nombre de bonnes journées que de mauvaises.
Les troubles reviennent, mais cette fois c’est différent
Avance rapide jusqu’à l’été 2019. Cela fait 21 ans que je participe à Hockey Night in Canada. Mais ces mêmes types de pensées négatives ont commencé à se glisser de nouveau dans mon esprit : « Combien de temps peux-tu encore faire ça? Il existe certainement de meilleurs diffuseurs, plus jeunes et plus talentueux. Tu as réalisé un parcours réussi, mais il touche probablement à sa fin. »
Comme les pensées devenaient plus fortes, j’ai reconnu que j’avais des pensées irrationnelles et que cela était lié à la santé mentale. J’ai donc commencé à parler à un thérapeute, et cela a changé le cours de ma vie. Ma première séance a duré environ une heure, et j’ai pleuré tout le temps. Mais je devais le faire, c’était un travail très important pour moi. J’y suis allé une fois par semaine pendant des mois, et je suis heureux de dire que cela a amélioré ma vie. Je suis plus détendu et j’ai maintenant les outils nécessaires pour m’aider.
Conseils pour passer davantage de bonnes journées
Il y a certaines choses que j’ai apprises au fil des années grâce à mon parcours en santé mentale et en soutenant ma fille Kaitlin dans son parcours. C’est différent pour tout le monde, alors il faut vraiment trouver ce qui fonctionne pour vous.
Acceptez le fait qu’il y a un problème
Parfois, nous sommes tellement concentrés sur la vie ou le travail qu’il est facile de repousser un problème de santé mentale sans vraiment remarquer qu’il revient souvent. Il est important d’être capable de reconnaître que quelque chose ne va pas.
Il n’y a pas de honte à parler à quelqu’un
C’est un gros morceau. Pour moi, il est important de partager et de ne pas tout garder à l’intérieur. Nous avons tous besoin de quelqu’un à qui parler. Il peut s’agir d’un ami, d’un membre de la famille ou d’un professionnel. Si vous avez des difficultés, vous n’avez pas besoin de lutter seul.
Rien n’est parfait
Nous pouvons être nos propres critiques les plus sévères, il est donc bon de savoir quand vous devez vous ménager. Parfois, les choses ne se passent pas comme nous l’avions espéré, et c’est normal. Pour ma santé mentale, je sais qu’il y a des moments où je dois lâcher prise et prendre de la distance.
Parler de la santé mentale est normal
Les choses évoluent lorsqu’il s’agit de parler de la santé mentale, et c’est une période passionnante. Ce n’est plus comme avant. Parler de la santé mentale est normal. Si vous passez une mauvaise journée, il est normal de le dire. Si vous passez un mauvais mois, c’est normal de le dire aussi. Plus nous en parlons, plus nous voyons à quel point c’est courant.
Trouvez ce qui fonctionne pour vous
Ce qui fonctionne pour moi quand je passe une dure journée peut ne pas fonctionner pour vous. Vous devrez peut-être essayer plusieurs choses différentes avant de trouver ce qui fonctionne. Voici quelques trucs que j’aime faire pour améliorer ma santé mentale :
- J’aime beaucoup faire de longues promenades. Je peux marcher pendant une à trois heures, et cela m’aide à me vider la tête.
- J’aime faire un tour le matin, car cela m’aide à me sentir détendu et paisible.
- Parfois, quand on a des problèmes de santé mentale, on a besoin de prendre un jour de congé. Pour moi, c’est le contraire. Travailler m’aide à rester concentré et à repousser les pensées négatives. Si je passe une mauvaise journée, je préfère aller travailler. Mais c’est différent pour chacun.
- J’utilise des fiches pour noter quelques mots importants qui m’aident à me sentir plus positif et plus détendu. J’emporte la fiche avec moi et je la consulte quand j’en ai besoin. Ce que vous mettez sur votre fiche est personnel; vous pouvez écrire ce que vous voulez.
Je peux enfin dire que je passe plus de bonnes journées que de mauvaises. J’apprends à être plus doux avec moi-même et à prendre le temps dont j’ai besoin pour préserver ma santé mentale. Si vous avez des difficultés, essayez de ne pas les ignorer et trouvez quelqu’un à qui vous pouvez parler.